Latrinalia, que se cache-t-il derrière ce mot savant ?

Publié par la rédaction le 13 mars 2025, modifié le 11 mars 2025
Latrinalia, que se cache-t-il derrière ce mot savant ?

Quel autre endroit que les murs des toilettes publiques pour faire cohabiter à la fois des vers de Rimbaud, un dessin tendancieux, un message de paix, un slogan politique et une hilarante caricature ? Pourquoi ces graffitis nous interpellent et que disent-ils de nos sociétés pour faire l’objet d’autant d’études ?  

Écrire sur les murs des toilettes, une pratique universelle 

Depuis la Rome antique, où les murs des latrines étaient déjà recouverts de graffitis, on écrit et on dessine sur les murs des toilettes publiques. À l’heure où il n’a jamais été aussi facile de s’exprimer, notamment sur les réseaux sociaux, on pourrait penser les graffitis dans les toilettes en voie d’extinction. Bien au contraire, partout dans le monde, cette pratique perdure, empruntant parfois les codes de ces mêmes réseaux en récoltant des likes ou des pouces tournés vers le haut. D’ailleurs, cette pratique est si universelle que les archéologues, sociologues, ethnologues, anthropologues… ont en fait à de multiples reprises leur sujet d’étude, lui attribuant même le nom savant de Latrinalia  

Pourquoi écrit-on sur les murs de toilettes ?  

Pourquoi les toilettes, cet espace qui peut être à la fois public et intime, sont-elles devenues le lieu privilégié des graffeurs ? Dans ce lieu partagé qui ne peut cependant accueillir qu’une seule personne à la fois, certains y voient un lieu propice pour s’exprimer, partager, communiquer avec d’autres tout en restant anonyme. Un défouloir pour certains, une agora pour d’autres, mais surtout un acte social qui présente la particularité de ne s’adresser qu’aux personnes du même sexe puisque les toilettes publiques ne sont que très rarement mixtes. Les murs des toilettes accueillent alors ces moments de lâcher prise pendant lesquels certains éprouvent le besoin de partager leurs pensées les plus sombres, des dessins scabreux, des pensées philosophiques, des propos obscènes, des messages militants, des déclarations d’amour ou tout simplement un trait d’humour. 

Latrinalia, une pratique genrée 

Mais s’exprime-t-on de la même manière du côté des messieurs et du côté des dames sur les murs des toilettes ? Puisque les toilettes publiques sont genrées, plusieurs études¹1 ont cherché à comprendre si les hommes et les femmes graffaient de la même manière ou si on observait une différence de registre ou de ton. Les études ont révélé que les hommes avaient beaucoup plus tendance à produire des graffitis à caractère obscène et à utiliser un langage sexuellement explicite, souvent agressif et provocateur. Les graffitis que l’on trouve dans les toilettes pour dames relèvent plus du registre amoureux et sentimental. Mais les toilettes sont aussi pour les femmes un espace de solidarité et de soutien où elles partagent des conseils ou encore des messages encourageants et positifs. En revanche, l’humour lui n’a pas de genre, puisque les hommes comme les femmes l’utilisent sans modération sur les murs des toilettes.

Sources :

¹ Sex differences in the topics of bathroom graffiti et Understanding Gender Differences on Motivations and Literary and Linguistic Devices in Graffiti

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